RAPPORT D’ACTIVITÉS 01/2014
RAPPORT
SUR LA CARAVANE DES DROITS DE L’HOMME
MALI
25/31 JANVIER 2014
Dans le cadre d’un programme de la Commission Européenne (IEDDH) intitulé « société civile et droits fondamentaux des personnes incarcérées », l’association la Voie de la Justice, en partenariat avec Prisonniers Sans Frontières et l’Association des Jeunes Avocats du Mali, a organisé une mission intitulée « caravane des Droits de l’Homme » à BAMAKO du 25 au 31 janvier 2014.
Outre l’aide et l’assistance des équipes de PRSF, cette caravane a été réalisée avec la participation d’une dizaine d’avocats maliens, de deux avocats français et d’un avocat béninois.
Les évènements politiques qui ont secoué le pays nous ont contraints à limiter nos actions, pour cette première mission, à BAMAKO et son périmètre proche (KATI).
Une mission exploratoire avait d’ores et déjà été réalisée afin de déterminer les difficultés les plus importantes rencontrées par la population ciblée, à savoir les détenus les plus démunis.
Il est ressorti de cette mission que, comme dans de nombreux pays africains, les détenus non seulement ne connaissent pas leurs droits, ni même souvent la raison de leur détention, mais n’ont que très rarement accès à la justice et à un défenseur.
Cette mission exploratoire avait également mis en évidence des difficultés relatives à la tenue des audiences correctionnelles lesquelles se trouvent beaucoup trop souvent faire l’objet de renvois essentiellement en raison de citations (témoins, victimes, mis en cause) irrégulièrement délivrées.
Au cours de ces mêmes audiences il est apparu que les détenus ne sont presque jamais assistés d’un défenseur et le régisseur de la prison de la MCA a attiré notre attention sur des situations de détentions arbitraires en raison notamment de l’absence de renouvellement des titres de détentions.
Aussi, la Caravane des Droits de l’Homme visait elle à offrir une formation aux bénévoles de PRSF, aux régisseurs des prisons et aux avocats, d’une part, à fournir une défense de qualité aux détenus lors de la tenue des audiences dans les différentes juridictions de Bamako, d’autre part, et à vérifier la validité des titres de détention des prisonniers détenus dans les établissements concernés par la mission et recenser les éventuelles difficultés rencontrées par les intervenants judiciaires enfin.
Avant d’aborder le déroulement de la Caravane il est important de rappeler le contexte dans lequel nous sommes intervenus.
INTRODUCTION SUR LE PROGRAMME DE L’IEDDH
L’instrument Européen pour la démocratie et les Droits de l’Homme (IEDDH) a été adopté par le Parlement européen et le Conseil en décembre 2006. L’entrée en vigueur de cet instrument spécifique au 1er janvier 2007 doit permettre d’apporter un soutien financier aux activités visant à renforcer la démocratie et les droits de l’homme dans le monde et vise à aider la société civile à devenir une force effective de réforme politique et de défense des droits de l’homme.
Les priorités poursuivies par l’IEDDH, définis dans la stratégie 2011-2013 sont au nombre de cinq :
-renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les pays et les régions où ils sont les plus menacés,
-renforcer le rôle de la société civile dans la promotion des droits de l’homme et des réformes démocratiques, dans le soutien à la réconciliation pacifique d’intérêts particuliers et dans l’amélioration de la participation et la représentation politique,
-soutenir les actions liées aux droits de l’homme et à la démocratie dans les domaines couverts par les orientations communautaires, notamment en ce qui concerne les dialogues sur les droits de l’homme, les défenseurs des droits de l’homme, la peine de mort, la torture, les enfants dans les conflits armés,
-soutenir et renforcer le cadre international et régional pour la protection des droits de l’homme, la justice, l’Etat de droit et la promotion de la démocratie,
- susciter la confiance dans les processus électoraux démocratiques et renforcer leur fiabilité et leur transparence, notamment par le biais de l’observation électorale.
L’objet spécifique de programme, pour lequel nous avons soumissionné et avons été retenus avec PRSF et l’AJAM, est de contribuer à une meilleure garantie des droits humains dans les lieux de privation de liberté (prison et locaux de garde à vue) par le biais :
-d’actions concourant à l’obtention de conditions de vie décentes pour les détenus dans les maisons d’arrêt et de correction
-d’actions de formation et sensibilisation du personnel pénitentiaire, du personnel des forces de sécurité intérieure et des magistrats sur les droits des gardés à vue et des détenus : respect de la procédure pénale, interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, réductions de la durée de la détention provisoire etc…
-d’actions permettant de renforcer l’accès au droit et à la défense de leurs droits par les détenus à travers la fourniture de conseils juridiques ou para-juridiques ou par le biais de l’organisation de « caravanes du droit » ;
-d’actions concourant à la protection des droits spécifiques des femmes et des mineurs en garde à vue ou en détention ;
-d’actions d’appui et de plaidoyer en faveur de l’opérationnalisation du travail d’intérêt général ;
-d’actions permettant de favoriser une meilleure insertion des détenus après l’exécution de leur peine : mise en place d’ateliers de formation et de production, alphabétisation, formation professionnelle, ou appui à une amélioration du fonctionnement et de la gestion des structures existantes.
LE DEROULEMENT DE LA CARAVANE
Nous tenons à souligner que nous avons pu constater à quel point le pays a souffert des mois de conflit qu’il a subis.
Les aides internationales des ONG ont été suspendues ou fortement diminuées y compris dans les prisons et tribunaux, les aides de l’Etat ont subi le même ralentissement et l’ensemble des intervenants judiciaires a souffert de cette situation.
Néanmoins les mêmes acteurs, et notamment les avocats et les magistrats, nous ont semblé très motivés à la perspective de reconstruire la démocratie et particulièrement attentifs à le faire dans le respect des droits de l’homme.
I/ MISSION DE FORMATION
a.La Formation pour PRSF
Pour la troisième fois en partenariat avec PRSF, nous avons dispensé une formation qui s’adressait à la fois à des membres bénévoles de PRSF, très peu ou pas formés sur le plan juridique, mais également à certains régisseurs de prisons (KATI et KITA).
Comme la précédente formation, celle-ci s’est voulue résolument pratique: mise en application concrète des thèmes abordés par les formateurs, quizz sur les thèmes qui sont préalablement développés par les formateurs de VDJ :
Rôle des acteurs du procès pénal et déroulement du procès
Qui peut être mis en prison et comment ? (titres de détention, exécution des jugements, contrainte par corps),
Qui contrôle ma détention et comment puis je sortir ? (les demandes de mise en liberté, grâce et libération conditionnelle)
Cette formation s’est déroulée à KATI et a été ponctuée par la visite de la prison de KATI avec une bonne partie des intervenants.
Les participants ont été très dynamiques notamment au cours des nombreux cas pratiques étudiés, les ateliers ont répondu à leurs attentes.
Il est simplement regrettable que cette formation n’ait pas pu être étendue à l’ensemble des régisseurs des prisons du pays et ce malgré les invitations qui leur avaient été envoyées par PRSF.
En effet, si nous avons pu constater que les régisseurs présents bénéficiaient d’une bonne formation juridique, leur rôle aux termes du code de procédure pénale et notamment en ce qui concerne la détention, est à ce point important qu’il est indispensable qu’ils puissent tous bénéficier d’une solide formation sur ce point.
Par ailleurs, les régisseurs sont aussi les acteurs essentiels de la vie des détenus et apportent très souvent de précieux renseignements sur les difficultés rencontrées quotidiennement.
Ces formations sont l’occasion de rencontres avec tous les partenaires en vue de l’élaboration d’un travail commun, ce qui est essentiel.
La formation des bénévoles, régisseurs et de tous les intervenants en milieu carcéral (psychologues, ONG, assistants sociaux) nous paraît fondamentale dans la mesure où, quelque soit la bonne volonté des pouvoirs publics (qui n’est pas systématique) s’agissant de la mise en place d’un système d’aide juridictionnelle, et quelque soit la bonne volonté des barreaux, le nombre restreint des avocats et l’éloignement des juridictions ne permettront jamais à la population, notamment carcérale, d’avoir un véritable accès à la justice de manière permanente et efficace.
Aussi, seules les personnes présentes quotidiennement peuvent apporter aux détenus un embryon d’accès à cette justice et apporter quelques informations sur leurs droits.
C’est donc en ce sens que cette formation nous semble particulièrement importante.
Les acteurs du monde carcéral ne pourront être efficaces et acquérir une crédibilité face aux régisseurs et magistrats que s’ils sont bien formés et de manière régulière.
Enfin, il nous paraît important de développer le partenariat entre les avocats et les intervenants PRSF, ces derniers étant souvent à même d’apporter de précieux renseignements sur la personnalité et l’environnement social du détenu, qu’il soit mineur ou majeur.
a.La formation pour les avocats
A l’occasion de la réunion de préparation de la caravane sui s’est tenue le dimanche matin, les intervenants de VDJ ont mis l’accent sur certains points importants du déroulement de la défense pénale d’urgence :
l’étude du dossier (la forme, les nullités et le fond)
l’entretien avec le détenu
les conseils sur la défense à apporter
la plaidoirie
le délibéré, son explication et les recours possibles
la rédaction des demandes d’actes, de demandes de mise en liberté et de libération conditionnelle
C’est avec une grande satisfaction que nous avons rencontrés de jeunes avocats très motivés et désireux de faire progresser la démocratie et les Droits de l’Homme dans leur pays.
Si le niveau des avocats rencontrés est très bon, il n’en demeure pas moins que ceux ci sont en demande de formation pratique, souvent inexistante au sein de leur barreau.
Par ailleurs, ainsi qu’il sera expliqué dans le corps de ce rapport, nous nous sommes heurtés à des différences d’interprétation importantes de certains articles du code de procédure pénale, s’agissant notamment des délais de détention. Il nous apparaît donc important d’envisager dans le cadre de ce programment la mise en place d’une vraie formation commune aux magistrats et aux avocats sur la procédure pénale et notamment sur les délais de détention et les nullités de procédure.
CONCLUSIONS SUR LES FORMATIONS :
Une fois de plus nous tenons à souligner l’importance de ces formations et notamment des formations communes. C’est ainsi que la présence au cours d’une même formation des bénévoles de PRSF et des régisseurs des prisons, qui pourtant n’avaient pas le même niveau de connaissances juridiques, a été très enrichissante pour chacun d’entre eux.
Ces formations sont aussi l'occasion de rencontres personnelles entre des participants qui ne se connaissaient pas mais qui seront amenés à travailler ensemble.
II/ LA MISSION DE DEFENSE
1./ LES AUDIENCES
L’organisation et la disposition des juridictions de la Commune de Bamako sont assez compliquées.
En effet, contrairement à de nombreuses capitales où les juridictions sont toutes réunies dans un même lieu, les juridictions de Bamako sont réparties en 6 communes avec 6 tribunaux qui se trouvent assez éloignés les uns des autres. Le Tribunal pour Enfants est situé en un lieu encore différent, tout comme la Cour d’Appel. Cette organisation pose des difficultés non seulement dans le transport des détenus (qui sont eux tous réunis dans la même prison) mais également, nous ont souligné certains magistrats, dans la répartition des compétences territoriales. Sans doute un regroupement des juridictions en un même lieu (comme au Bénin ou Togo) permettrait de gagner en efficacité.
Comme dans de nombreux pays africains, il est important de souligner, qu’y compris dans la capitale où sont regroupés la majeure partie des cabinets d’avocats, la présence des avocats aux audiences aux côtés des détenus les plus démunis est plutôt rare.
Aussi, la constitution systématique des avocats pour les détenus mais également les parties civiles et parfois même les prévenus libres, lors de la caravane, a–t-elle été fortement appréciée non seulement par les justiciables mais par les magistrats eux mêmes qui y voient un moyen de faire respecter le contradictoire et les droits de chacun. Les magistrats ont publiquement fait part de leur satisfaction à la fin des audiences et ont vivement souhaité que cette expérience se renouvelle régulièrement.
La mise en état des dossiers :
Lors de la mission préparatoire, notre attention avait été attirée sur les nombreux renvois et le nombre très faible des dossiers en état lors des audiences. Parfois sur une trentaine de dossiers plus des deux tiers font l’objet de renvois.
Aussi, avions nous suggéré de procéder à une « mise en état » des dossiers afin que seuls les dossiers en état d’être plaidés soient retenus cette semaine, et afin de voir s’il était possible d’envisager un mode d’audiencement différent, afin de gagner en efficacité.
La mise en état des dossiers a été réalisée par l’AJAM en accord avec le Parquet.
C’est ainsi qu’avaient été sélectionnés les dossiers sans témoin et dont les citations des victimes avaient été régularisées correctement.
Il est important de préciser que si plusieurs audiences correctionnelles se tiennent chaque semaine dans les 6 communes de BAMAKO, il n’y a que peu ou pas d’audience dite de comparution immédiate ou de flagrant délit.
Ainsi, les dossiers sont mélangés et ceux qui devraient faire l’objet d’un traitement plus urgent sont mis au même rang que les dossiers dont les renvois sont moins problématiques.
La « mise en état » des dossiers a permis de retenir un pourcentage plus élevé que lors des audiences sans mise en état. Sur 76 dossiers audiencés 64 ont été plaidés alors que moins de la moitié des dossiers sont habituellement retenus.
Malgré cette « mise en état » des renvois ont été ordonnés pour les raisons qui seront explicitées ci après.
Les renvois
Le problème des renvois est récurrent et nous l’avons rencontré tant au TOGO qu’au BENIN lors de nos précédentes missions.
Les raisons sont multiples :
-Souvent utilisé comme moyen de pression sur le détenu ou sa famille pour indemniser la victime, il est un moyen de prolonger la détention en attendant un paiement.
-Il est également largement abusé de ces demandes de renvois en matière d’accident de circulation par les compagnies d’assurance qui doivent proposer un protocole d’indemnisation.
-Certaines situations de corruption nous ont été également rapportées venant de l’ensemble des intervenants judiciaires
-Le dossier n’est très souvent pas en état d’être jugé du fait des citations irrégulièrement régularisées et donc le problème sera évoqué plus avant.
-Enfin, les avocats eux même semblent, aux dires de certains magistrats, abuser de ces demandes de renvoi.
Si le report est ordonné, le tribunal devrait en principe statuer sur le maintien en détention, mais certaines juridictions (le tribunal de Kati, notamment) estiment ne pas avoir à se prononcer sur la mise en liberté si la demande ne vient pas directement et spontanément du prévenu, alors même que la plupart d’entre eux ignorent pouvoir présenter une telle requête. Le prévenu est donc maintenu en détention jusqu’à ce que son dossier soit en état et cela peut durer plusieurs mois voire plusieurs années…
Il ne sera en état qu’après plusieurs mois, en raison majoritairement des citations irrégulières précédemment évoquées.
C’est ainsi que l’un des substituts de la commune II de Bamako nous a expliqué que de nombreuses citations ne sont pas délivrées car les huissiers ne font pas diligence, par manque de formation, de compétence ou par manque de moyen.
Il nous sera plus tard précisé par le Secrétaire Général du Garde des Sceaux que l’Etat malien connaît un retard de 4 ans dans le règlement des honoraires des huissiers (il est prévu que ce retard sera prochainement comblé).
Certaines juridictions estiment que le dossier peut être évoqué en l’absence de la partie civile, ses intérêts étant réservés, le report n’étant ordonné que si la présence de la partie civile parait indispensable au cours des débats. Il en est de même pour les témoins. En revanche, d’autres tribunaux ordonnent presque systématiquement le report.
Il faudrait pouvoir encourager les juridictions à statuer sur la situation pénale et renvoyer sur intérêts civils et à défaut informer systématiquement le détenu de son droit à faire une demande de mise en liberté.
Les audiences
Concernant les audiences, nous pouvons souligner le succès avec lequel elles se sont tenues toute la semaine grâce à l’intervention active et efficace de l’AJAM. Ces interventions ont été largement saluées par les magistrats, les justiciables et également relayées dans la presse.
C’est ainsi que sur 76 dossiers retenus 64 ont été plaidés ce qui est déjà un grand succès au regard des renvois habituellement pratiqués.
15 relaxes ont été prononcées ce qui soulignent le taux important de détentions injustifiées et une nouvelle fois l’importance de la présence d’une défense auprès des détenus pour dénoncer ces situations.
Beaucoup de dossiers ayant été mis en délibéré, nous ne sommes pas, au jour de la rédaction du présent rapport en possession de l’ensemble des décision, mais à ce jour, nous pouvons affirmer que plus de la moitié des détenus qui comparaissaient ont bénéficié d’une mise en liberté à l’issue de cette semaine d’audience.
CONCLUSION ET PRECONISATIONS POUR LES AUDIENCES :
Cette première caravane a permis de proposer des solutions qui pourraient facilement être mise en place pour gagner en efficacité et garantir au mieux les droits des détenus, il en est ainsi :
-De veiller à attirer l’attention des huissiers sur la régularité des citations qu’ils doivent délivrer.
-de la mise en état systématique des dossiers
-en cas de renvoi, quelque soit le motif, de l’obligation pour le magistrat du siège d’informer le détenu de son droit de faire une demande de mise en liberté
-en cas de partie civile : du renvoi systématique des dossiers sur intérêts civils en prévoyant des audiences uniquement civiles.
-De veiller à attirer l’attention du barreau sur les demandes de renvois qui doivent être dûment justifiées et demeurer exceptionnelles lorsqu’elles concernent un détenu.
Enfin, nous ne pouvons que souligner l’importance de l’intervention des avocats pour assurer la défense des détenus, ils demeurent à ce jour les principaux gardiens des Droits de l’Homme pour les personnes détenues et les seuls compétents pour dénoncer des situations irrégulières. Il est indispensable que le nouveau gouvernement malien puisse prendre conscience de cela afin d’œuvrer pour la mise en place d’un véritable système d’aide juridictionnelle.
1.LA SITUATION DES DETENUS
a.La visite des prisons
Concernant les visites en prison et la vérification des titres de détention nous tenons tout d’abord à souligner la grande coopération des régisseurs des prisons visitées et du directeur de la prison pour mineurs.
Nous tenons également à souligner les conditions de détention extrêmement difficiles.
S’agissant particulièrement de la prison de Bamako (MCA) elle connait non seulement un énorme taux de surpopulation (elle compte 1949 détenus, alors qu’elle a été bâtie en 1950 pour en abriter 400 / certaines cellules de 40m2 abritent plus de cent détenus qui doivent en conséquence dormir à tour de rôle) mais également une structure vieillissante dont les conditions sanitaires sont en soit une atteinte à la dignité humaine.
A titre d’exemple, nos associations ont accepté de prendre à leur charge une cinquantaine d’ordonnances médicales qui étaient en souffrance depuis plusieurs jours, voire semaines, faute de moyens obtenus auprès des pouvoirs publics et ce alors même que les détenus se trouvaient souvent dans un état de santé très précaire.
L’établissement ne dispose par ailleurs d’aucun véhicule pour emmener les détenus malades à l’hôpital.
Le nouveau régisseur a fait preuve de beaucoup de diligence et de compétence afin de tenter de mettre un terme aux situations irrégulières ainsi que la loi malienne l’y contraint.
C’est ainsi que lors de notre passage il a recensé plus de 116 détenus dont les titres de détention n’avaient pas été renouvelés et se trouvaient donc en détention arbitraire.
Certaines détentions arbitraires remontaient à quelques jours seulement d’autres à quelques mois et certaines à plusieurs années (2007 pour la plus ancienne !).
25 cas de ce type ont été recensés à la prison de BOLLE pour les femmes majeures et 7 pour les femmes mineures.
Ces personnes détenues sans titre doivent faire l’objet d’une mise en liberté d’office, sans contestation possible. Le Code de Procédure Pénale prévoit que le régisseur, constatant le non respect des délais de détention, doit saisir le procureur (article 129 CPP). Si celui-ci ne s’exécute pas, le régisseur doit saisir le parquet général. Si le dossier relève de la compétence d’un juge d’instruction, le régisseur l’informe et si celui-ci ne remet pas l’inculpé en liberté, le régisseur doit saisir la chambre d’accusation. La bonne volonté du régisseur est donc essentielle, et il lui est souvent difficile d’obtenir gain de cause. Les régisseurs ne sont pas avocats et leur emploi du temps ne leur permet pas d’initier les procédures qui s’imposent.
Le régisseur de la MCA estime toutefois que l’administration pénitentiaire doit assumer sa part de responsabilité et que les magistrats ne peuvent, seuls, se voir reprocher les situations de détention irrégulière. Il considère que son rôle est essentiel puisqu’il a un rapport direct avec les détenus.
Afin d’appuyer la démarche des régisseurs, l’AJAM et VDJ ont écrit à tous les procureurs et juges d’instruction concernés afin qu’ils fassent une stricte application de la Loi et remettent ces détenus en liberté. Nous ne doutons pas des efforts qui seront faits en ce sens.
En effet, nous avons rencontré beaucoup de magistrats soucieux du respect de la loi et des droits des détenus et très favorables à l’ensemble de nos actions. Ils regrettent tous d’être contraints de rendre des décisions hors la présence de la défense, et se rendent compte qu’une justice sans avocat n’est pas satisfaisante.
Cependant, un mois après cette mission nous savons que nombre de ces détenus « arbitraires » n’ont pas été remis en liberté pour différentes raisons :
-les juges prétendent avoir omis de notifier ce renouvellement (alors qu’il est prévu à peine de nullité)
-d’autres ne remettent pas en liberté mais acceptent de clôturer le dossier afin qu’il soit jugé plus vite
-d’autres tout simplement ne répondent pas aux demandes…
Aussi, afin de pérenniser notre action, les avocats de l’AJAM seront chargés du suivi de la régularisation des ces dossiers pour que nous puissions avoir une vision plus précise des obstacles rencontrés face aux problèmes de régularité de détention.
Il convient d’ajouter que, d’après les informations qui nous ont été données par le régisseur de la MCA, les mesures de semi liberté et de liberté conditionnelle, pourtant prévues par une loi de 2001, ne sont jamais mises en œuvre, faute d’adoption d’un décret d’application.
Enfin, on doit préciser que la Chambre d’Accusation de Bamako a rendu de singulières décisions en matière de détention préventive. C’est ainsi qu’elle a jugé que lorsque le juge d’instruction omet de renouveler le mandat de dépôt, il ne peut ensuite ordonner la mise en liberté au motif du non respect des délais de détention, estimant que le magistrat instructeur ne peut se prévaloir de la faute qu’il a ainsi commise. (cf notamment arrêt du 13 septembre 2011). Nous avons informé le Secrétaire Général du ministère des termes de cette décision. Il nous a assuré qu’il allait se préoccuper de ce problème.
Ces « interprétations » peu conformes aux respects des Droits de l’Homme et en contradiction avec les dispositions du code de procédure pénale, rendent indispensable l’organisation d’une formation commune aux différents intervenants afin de contribuer à une meilleure garantie des droits humains dans les lieux de privation de liberté.
a.La situation des mineurs.
Parmi la population démunie les mineurs représentent une « catégorie » plus sensible encore.
Les mineurs ne font pas l’objet d’une assistance systématique malgré les efforts réalisés par certaines associations et avocats pour offrir un embryon de défense. (BICE et Caritas notamment)
Il faut mettre un place un véritable système protecteur des droits des détenus mineurs tout en favorisant la formation de l’ensemble des intervenants.
A titre d’exemple il est apparu que certains magistrats instructeurs n’appliquaient pas le délai de détention réduit en faveur des mineurs, lorsqu’ils sont impliqués dans des dossiers avec des majeurs et ce alors même que ces délais sont impératifs ! L’absence d’avocat ne permet pas de dénoncer ces situations abusives !
Il faut souligner à ce titre le travail remarquable réalisé par les associations BICE et KINDER RECHTE AFRIKA et le recueil sur la minorité qui a été édité.
Cependant la défense reste trop souvent absente des prétoires et de la prison pour mineurs. A Bamako, nombreux sont les enfants qui ne sont pas assistés. La situation est parfois moins dramatique en province, où les mineurs sont souvent assistés par l’instituteur, le représentant religieux…
Aussi, dans le cadre de notre mission nous souhaitons mettre en place, pour une durée de trois mois minimum, des permanences d’avocats afin que chaque mineur puisse être assisté et défendu pendant cette période.
Si nous obtenons les financements nécessaires cette permanence pourra être renouvelée.
Enfin, plus encore que pour les majeurs, il est indispensable que les mineurs soient jugés dans des délais plus que raisonnables et que soient favorisées les actions éducatives et préventives plus que répressives.
1.LES AUTRES DIFFICULTES RENCONTREES
a.Les mineurs et l’enfance en danger
Le Président du Tribunal pour Enfants, très soucieux de l’intérêt des mineurs, a également souhaité nous parler de la protection des mineurs en danger et particulièrement de la situation catastrophique des enfants abandonnés et de la suspension des adoptions internationales.
Depuis 2011 les adoptions internationales ont cessé et depuis l'entrée en vigueur effective de la loi n°2011-087, adoptée le 30 décembre 2011, portant Code des Personnes et de la Famille, elles ne sont plus du tout autorisées.
En effet, l'article 540 de cette nouvelle législation prévoit que désormais seuls les couples ou les personnes célibataires de nationalité malienne n'ayant ni enfant ni descendant légitime, et
âgés d'au moins 30 ans, sont autorisés à adopter un enfant malien.
L’adoption étant culturellement difficilement admise au Mali, en fait, aucun enfant ne fait plus l’objet d’adoption ni même de placement.
La pouponnière de Bamako compte aujourd’hui 159 enfants contre une centaine avant 2011 et plus des deux tiers ont moins de 4 ans, avec une majorité de nourrissons.
Les conditions de vie et de santé des enfants abandonnés sont difficiles, faute de moyens et certains enfants se trouvent dans des situations très critiques malgré la bonne volonté du personnel de la pouponnière d’Etat. (Cf rapport sur l'adoption internationale)
Parallèlement, et sans que l’on puisse en tirer des conclusions trop hâtives, le taux de détention pour infanticide est passé de 10% en 2010 à 30 voire 40% aujourd’hui pour les cas recensés à la prison de BOLLE.
Il est donc impératif d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité impérative de reprendre les adoptions internationales et de mettre en place une campagne de prévention afin d’éradiquer les situations dramatiques qui conduisent aux infanticides.
Sur le plan matériel, le tribunal se trouve dans une situation dramatique. Tous les équipements font défaut, surtout depuis ces deux dernières années, alors que plusieurs ONG ou coopérations étatiques ont cessé d’apporter l’assistance qui était fournie auparavant. US Aid a cessé toute assistance. L’UNICEF a maintenu quelque temps son aide mais y a mis fin aussi aujourd’hui.
Le tribunal tient une audience par semaine. De 20 à 40 dossiers sont audiencés. Les huissiers ne font pas diligence et le tribunal convoque lui-même les parties civiles par téléphone. Les reports sont assez rares, le tribunal ayant le souci de juger les dossiers dans un délai raisonnable.
En principe, à l’exception des crimes de sang, les dossiers criminels sont toujours correctionnalisés.
Le juge des enfants nous a précisé qu'il tentait de maintenir les enfants en liberté provisoire dans l’attente de leur jugement. Ils sont alors confiés à un membre de leur famille. Il y avait cependant lors de notre séjour 58 mineurs détenus (délinquants et placement éducatif) et 6 mineurs femmes dont la détention semblait irrégulière.
Concernant le placement en détention des jeunes filles il s’agit souvent des aide-ménagères, qui viennent de loin et n’ont aucune famille à Bamako, elles sont alors maintenues en détention.
Le tribunal s’inquiète de la féminisation de la délinquance : vols commis par les aide ménagères, infanticides, abandons d’enfants, avortements (l’avortement est toujours un délit au Mali)
Il sera précisé qu’il n’existe qu’un tribunal pour enfants au Mali. En province, les mineurs sont jugés par les juges de paix, qui, d’après ce que nous explique le président du tribunal, délivrent de simples mandats de dépôt alors qu’en matière de minorité, une ordonnance de placement en détention spécialement motivée s’impose.
a.L’application des délais de détention : un problème d’interprétation.
Au cours de notre mission nous avons, bien entendu, pris soin d’étudier le code pénal et le code de procédure pénale et plus particulièrement les règles applicables aux délais de détention.
Si les délais en matière d’instruction ne posent pas de problème d’interprétation sur leur durée (six mois renouvelables une fois en matière délictuelle et un an renouvelable deux fois en matière criminelle), les délais en matière de flagrant délit et de citation directe semblent prêter à interprétation.
En effet l’article 83 du CPP prévoit:
" En cas de délit flagrant lorsque le fait est puni d’une peine d'emprisonnement et si le juge d'instruction n'est pas saisi, le procureur de la République peut placer le prévenu sous mandat de dépôt après l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés.
Il en sera de même lorsqu'à la suite d'une enquête préliminaire, une infraction correctionnelle passible d'une peine d'emprisonnement paraît établie à la charge d'un prévenu, soit par ses aveux, soit par des dépositions unanimes de plusieurs témoins ; dans ce cas, le prévenu devra être cité à comparaître devant le tribunal au plus tard dans les trois mois suivant le mandat de dépôt. Faute par le procureur de la République d'observer ce délai, le régisseur de la maison d'arrêt est tenu de l'en aviser. Ensuite il conduit immédiatement le prévenu devant le procureur de la république qui le fait mettre en liberté après lui avoir fait observer les formalités d'élection de domicile."
Il s'agit de la seule disposition qui évoque un délai de détention en cette matière.
Notre analyse nous a conduit à considérer que le délai du mandat de dépôt en ces matières ne peut excéder trois mois.
C’est également l’analyse du régisseur de la MCA de Bamako.
En revanche ce n’est pas du tout l’analyse des membres du Parquet de KATI qui considèrent que seul le délai de première comparution doit être inférieur à trois mois, le délai de détention devenant ensuite illimité ! D’autres membres du parquet de Bamako n’ont pas partagé cette analyse !
Il est donc impératif que le Parquet Général puisse prendre une position commune et définitive sur ce point. C’est en ce sens que nous avons attiré son attention mais également l’attention du secrétaire général du Ministre de la Justice.
Il est également impératif que l’ensemble des magistrats prenne une position commune sur l’interprétation des règles régissant le renouvellement des mandats de dépôt et leur notification.
Si le renouvellement n’a pas lieu, le titre de détention n’existe plus et la personne doit être remise en liberté de droit et non maintenue en détention comme le pensent certains magistrats et l’ont ordonné certains arrêts de la chambre d’accusation.
De même, dans le cadre des vérifications en cours au jour de la rédaction de ce rapport sur les détentions arbitraires relevées, certains magistrats se retranchent déjà derrière l’absence de notification des mandats renouvelés.
Cette notification est pourtant requise à peine de nullité ( article 128 CPP), elle est une garantie indéniable des droits du détenu et apporte force probante à la date de renouvellement afin de combattre une pratique consistant à régulariser a posteriori les mandats…
III/ LES DEUX PROCHAINES MISSIONS
Au-delà des rapports qui vont être établis au terme de cette mission et transmis aux autorités compétentes le programme de l’UE prévoit deux autres caravanes.
Ce programme étant fondé sur la nécessité de mettre en place des actions pérennes relayées par les acteurs locaux afin « de contribuer à une meilleure garantie des droits humains dans les lieux de privation de liberté », il nous a paru important de tenir compte de cette particularité et de nos constations pour envisager les deux prochaines caravanes.
a.Le suivi des cas de détentions arbitraires
Il est indispensable que nous puissions suivre le sort des 148 cas de détentions arbitraires relevées lors de notre première mission afin de connaître les raisons exactes de ces irrégularités et la réponse apportée par les juridictions à ce problème.
Certains magistrats ont d’ores et déjà fait valoir que les ordonnances de maintien en détention existent mais qu’elles n’ont pas été notifiées, de sorte que les confrères de l’AJAM vont devoir déposer des requêtes en nullité et saisir la chambre d’accusation.
Certains magistrats vont certainement faire valoir leur interprétation de l’article 83 sur le délai de trois mois et d’autres arguments qu’il nous faudra connaître et combattre afin de faire respecter les droits des détenus.
De ces actions naîtra nous l’espérons une jurisprudence plus protectrice des droits fondamentaux.
a.L’organisation d’une formation sur les délais de détention et les nullités de procédure
Ainsi que nous l’avons précédemment évoqué, il nous paraît indispensable d’organiser une formation commune aux avocats, magistrats et régisseurs de prison sur les délais de détentions et les nullités en matière de procédure pénale afin qu’il soit mis un terme à des interprétations aussi divergentes que dangereuses pour les droits des détenus.
a.La mise en place de permanence pour les mineurs
Concernant la mise en place d’une permanence dans l’intérêt des mineurs, elle nous semble également très importante afin de relever l’impact réel de la présence d’un défenseur aux côtés du mineur.
Sur la seule audience du TPE qui s’est tenue pendant notre mission trois décisions de mise en liberté ont été ordonnées pour les motifs suivants :
-une relaxe d’un mineur en détention depuis 8 mois
-deux peines d’emprisonnement d’une durée égale à la moitié de la détention déjà effectuée.
Dans ces trois dossiers la présence d’un conseil au stade de l’instruction (obligatoire pour les mineurs) aurait sans aucun doute permis d’éviter de long mois de détention inutile.
Il est également primordial que les avocats chargés des permanences entreprennent les démarches nécessaires auprès des magistrats chargés de la juridiction des mineurs pour que les dossiers des détenus soient audiencés en priorité et soient en état d’être jugés, ce qui n’est pas toujours le cas.
a.Une caravane auprès de la juridiction de KATI
Notre mission va se poursuivre auprès de la juridiction de KATI dans laquelle va s’organiser dans les mois prochains une caravane des droits de l’Homme.
Le centre de détention de Kati se trouve être en surpopulation également (222 détenus pour une capacité de 80) et les conditions de détention y sont de ce fait très difficiles, même si PRSF a réalisé un important travail notamment en matière d’hygiène. Nous avons pu visiter des cellules d'à peine 15 m2 dans lesquelles s'entassaient 21 détenus qui ne bénéficiaient de promenades dans une petite cour que quelques heures par semaine.
C’est également dans cette juridiction que les membres du parquet ont donné une interprétation très répressive de la loi en considérant que le mandat de dépôt en matière de flagrants délits et de citations directes était illimité.
L’ensemble des magistrats rencontrés a accepté avec beaucoup d’enthousiasme d’organiser pendant une semaine des sessions extraordinaires d’audiences correctionnelles, c'est-à-dire tous les jours au lieu d’une seule fois par semaine.
Aussi les détenus et les parties civiles seront-ils tous assistés d’un avocat et l’on peut espérer que les 77 prévenus en attente de jugement connaîtront leur sort.
Sans envisager des mises en liberté pour tous les détenus, il est fondamental que chacun puisse connaître l’issue de sa procédure dans des délais raisonnables et éviter ainsi des détentions injustifiées lorsque les faits ne sont pas avérés ou lorsque la peine mérite la clémence.
CONCLUSION
Cette première mission a mis en exergue des dysfonctionnements portant atteinte aux droits des détenus tant au regard de la gestion des dossiers (citations irrégulières, renvois multiples), que dans le suivi des dossiers (titre de détention irréguliers, délais dépassés et détention arbitraire) ou dans les droits les plus élémentaires des détenus (santé, hygiène accès à la justice).
Cependant, les intervenants judiciaires mais aussi les pouvoirs politiques rencontrés, nous ont semblés très favorables à nos actions et ont reconnu l’importance de la présence de l’avocat aux côtés des détenus afin de faire respecter leurs droits.
Pour reprendre l’expression de Monsieur le Régisseur de la MCA « chacun doit maintenant jouer sa partition » et ce n’est que dans ces conditions que les droits de chacun seront respectés et que la justice retrouvera sa voie.
Sont également apparues, au terme de cette mission, les limites financières de notre intervention, le budget alloué par la Commission européenne étant très insuffisant au regard de l’importance des projets à mettre en oeuvre.
Il est donc indispensable pour la bonne poursuite de ce programme que nous puissions faire appel à de nouveaux bailleurs de fonds.
Enfin, notre travail commun de réflexion sur la mise en place d’un véritable système d’aide juridictionnelle doit se poursuivre en concertation avec l’ensemble des intervenants du monde judiciaire.
ANNEXES :
1.Rapport sur l’adoption internationale
2.Arrêt de la chambre d’accusation de Bamako (13/09/2011)
3.Article de presse
ANNEXE 1
La suppression de l’adoption internationale et ses conséquences
Dans le cadre d’un programme intitulé « société civile et droits fondamentaux des personnes incarcérées », l’association la Voie de la Justice en partenariat avec l’association Prisonniers Sans Frontières et l’Association des jeunes avocats du MALI, a organisé une Caravane des Droits de l’Homme sur les juridictions de BAMAKO du 25 au 31 janvier 2014.
A cette occasion, notre attention a été attirée par plusieurs magistrats, et notamment par le Président du Tribunal Pour Enfants de Bamako, sur la situation très préoccupante des enfants abandonnés, depuis la suppression des adoptions internationales. La protection de ces enfants étant, depuis lors, difficilement assurée.
Il convient de rappelé que la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale est entrée en vigueur au Mali le 1er septembre 2006.
Depuis lors, les adoptions internationales se faisaient régulièrement au MALI.
Ces adoptions ont cependant fortement baissé depuis 2010 et ont été suspendues en 2012.
En effet, à l’occasion de l'entrée en vigueur effective de la loi n°2011-087, adoptée le 30 décembre 2011, portant Code des Personnes et de la Famille, les adoptions par les ressortissants étrangers ne sont plus autorisées.
L'article 540 de cette nouvelle législation prévoit que désormais seuls les couples ou les
personnes célibataires de nationalité malienne n'ayant ni enfant ni descendant légitime, et
âgés d'au moins 30 ans, sont autorisés à adopter un enfant malien.
L'adoption internationale sera dès lors limitée aux seuls ressortissants maliens résidant à l’étranger.
L’adoption étant difficilement admise dans la culture malienne, de fait, il n’existe plus aucune adoption depuis 2011.
Cette situation, et la réforme du code des personnes et de la famille, portent gravement atteinte à l’intérêt de l’enfant.
L’adoption internationale permettait, comme dans beaucoup de pays, de limiter le fléau lié à l’abandon de nombreux enfants en leur offrant un cadre de vie sécurisant et conforme à leur intérêt.
Cette nouvelle situation, conjuguée à la crise qui a secoué le pays, a entraîné une saturation des pouponnières et autres structures accueillant des enfants abandonnés.
La seule pouponnière de Bamako compte 159 enfants, contre 100 en 2011, dont près de 60 nourrissons de moins de 6 mois.
Du fait de l’arrêt des adoptions internationales, l’aide apportée par les ONG ou simplement par les adoptants, a fortement diminué et les structures accueillantes se trouvent être en grande précarité malgré la bonne volonté de leurs personnels.
Les besoins de première nécessité ne sont pas pourvus, ainsi la pouponnière manque de lait, de biberons, de médicaments mais aussi de vêtements et de jouets.
Si l’Etat pourvoit à la nourriture et aux salaires des personnels administratifs permanents, les nourrices déjà peu nombreuses (une pour 15 enfants) ne sont pas prises en charges et doivent compter sur les dons aléatoires des ONG.
En plus des troubles psychologiques inhérents à l’abandon, les enfants souffrent beaucoup de cette précarité et leur situation aujourd’hui est plus que préoccupante.
Cette situation est contraire à la Convention de La Haye qui, bien que privilégiant la solution nationale dans l’Etat d’origine, prône l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit être la considération primordiale.
Elle est également contraire à l’ensemble des textes nationaux et internationaux ratifiés par le MALI et visant à protéger l’intérêt des enfants.
Il est donc indispensable, dans l’intérêt de ces enfants, et pour leur survie, que les adoptions internationales puissent reprendre dans les meilleurs délais.
Le Président du TPE a tenté désespérément d’alerter les pouvoirs publics sur cette situation, sans succès, il nous apparaît donc indispensable de se joindre à ce cri d’alarme afin qu’il soit enfin entendu.
TELECHARGER LE RAPPORT MALI janvier 2014 (avec annexes).pdf